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mardi 19 août 2014

Mon camembert préféré

Normalement ce blog n'a pas pour but de faire de la publicité, primo parce que ça ne servirait à rien (aucun visiteur encore à ce jour) et secundo parce que je ne suis pas payé pour ça (ce qui est normal si l'on tient compte du primo), mais tant pis, je vais faire une exception pour une marque de produits laitiers qu'il faut absolument que tout le monde connaisse avant la fin de ce millénaire où l'on se demande comment une telle chose est encore possible !

Les Bons Mayennais !

Une jovialité que ne dément pas l'image qui orne la boîte de camembert, complètement collector sauf que c'est pas collector, c'est imprimé encore régulièrement au seuil de ce troisième millénaire et même depuis le précédent, 1912 peut-être si leur logo n'a pas changé puisque c'est cette date qui est indiquée dans la mention inscrite sur le couvercle. Un camembert au lait pasteurisé qui en vaut bien d'autres, soit dit en passant (et voilà pour la pub gratuite).
L'image met en scène un couple d'allure folklorique, des Mayennais suppose-t-on, vêtus de coiffes traditionnelles, entre deux âges dirons-nous (mais à une époque où les gens faisaient plus vieux que leur âge), dont le centre d'intérêt est précisément cette boîte de camembert que je suis en train de vous décrire. Mise en abîme ! Une expression qui sent davantage le début du troisième millénaire où elle fut très à la mode dans les milieux traditionnellement ringards (enseignement, médias, beaux arts, mode, communication, etc.) que l'aube du XX° siècle si pleine de créativité et de soif de nouveauté. La preuve que ça n'est pas une maquette d'un autre âge mais seulement un objectif marketing complètement démago et d'une connerie à toute épreuve.
L'homme montre le fromage à la femme... Mais on y reviendra. Pour bien décrypter cette image (expression également très à la mode en ce début de millénaire) il convient en effet de comprendre d'abord ce qui se joue réellement entre ces deux personnages, comprendre leur motivation profonde (et de deux !).
Ce qui les excite c'est les merveilleux cadeaux qu'on peut gagner en collectionnant les bons à découper qu'on trouve dans tous les fromages de la marque Les Bons Mayennais, camemberts et coulommiers. Ces bons sont imprimés sur le papier gras qui enveloppe le fromage. Ça n'est pas prédécoupé, il n'y a pas de pointillés, mais on peut pas se tromper, c'est écrit dessous : « Bon à découper et à envoyer », et pour les illettrés on a dessiné une paire de ciseaux à côté.
On pourrait se dire : « Mais c'est dégueulasse ! Le papier doit être tout collant et ça va puer dans les tris postaux », mais non ils ont tout prévu : le papier est en double épaisseur. c'est celui qui n'a pas été en contact direct avec l'aliment qu'il faut découper (le seul problème c'est qu'on en a quand même plein sur les doigts), et le but du jeu, bien sûr, n'est pas d'envoyer un seul bon à la fois, il faut d'abord les accumuler pour que ça vaille le coup. J'ai donc reproduit ci-dessous, telle qu'elle figure en rouge sur blanc sur le papier d'emballage de tous les camemberts et coulommiers de la marque, la liste des lots qui sont proposés ainsi que le nombre de bons qu'il faut envoyer pour les gagner.
Hé oui, comme vous le verrez, il faut consentir une petite rallonge en joignant un petit chèque aux petits bouts de papier un peu collants. A noter aussi qu'un camembert équivaut à un bon alors qu'un coulommiers (plus gros, plus cher) vaut un bon et demi.


150 bons + 5,10€ en chèque = 1 ballon (on ne dit pas si c'est un ballon en plastique ou un ballon en cuir)

150 bons + 4,35€ en chèque = 1 peluche (pas d'indication de taille ou de poids. Nounours, lapin, souris, protozoaire ? Mystère !)
150 bons + 1,40€ en chèque = 1 montre (H ou F)
100 bons + 4,35€ en chèque = 1 tête de ménagère de marque
80 bons + 4,35€ en chèque = 1 drap de bain
60 bons + 1,80€ en chèque = 1 tee-shirt (on est invité à indiquer la taille)
60 bons + 1,40€ en chèque = 1 stylo plume de marque (serait-ce celle qui porte le même nom que l'autre fabrique de produits laitiers qui est dans la Manche [voir notre article « un ruisseau de crème »] ? A ce tarif-là c'est peu probable.)
20 bons + 1,80€ en chèque = 1 jeu de cartes

Alors, hein, qu'est-ce qu'on vous disait ? C'est-y pas sérieux tout ça, ces comptes d'apothicaire au centime près, avec des articles qu'on trouve pas partout et pour les gagner rien de plus facile : il suffit de savourer des « Bon Mayennais », à longueur d'année. Ah oui ! et aussi d'avoir toujours une paire de ciseaux à portée de la main.
Bon, hé bien maintenant je vais vous le dire le secret qui fait tout le génie de cette image subliminale, cette image ringarde comme c'est pas permis qui nous saute aux yeux dès qu'on tend la main dans un rayon pour s'emparer d'un Bon Mayennais. Le voilà ce secret : le type sur l'image, ce qu'il veut avoir, c'est la montre ! Parce qu'il n'en a pas. On distingue très bien ses poignets sur l'image et s'il en avait une on la verrait, mais il n'en a pas, et c'est ça qu'il veut.
Mais 150 bons, tout de même, c'est 150 camemberts, soit grosso modo la maudite somme de 300€. En admettant qu'il soit gourmand et qu'il achète aussi un coulommiers de temps en temps ça fera un peu moins de bons, mais bon, allez, l'un dans l'autre, disons 1 an. Il faudra qu'il attende 1 an, et peut-être même une année bissextile (366 jours), pour pouvoir savoir enfin l'heure qu'il est !
C'est long, c'est vrai, mais attention, il n'est pas tout seul ! La vieille avec sa coiffe de Sainte Nitouche, qu'est-ce que vous croyez qu'elle vise quand il lui montre le camembert ? 
 Suivez son regard. Elle tient ses mains entrouvertes devant elle comme si elle brûlait d'envie de serrer quelque chose de rond et de large, mais ça n'est pas la boîte de camembert qu'elle regarde. J'ai fait faire une projection directionnelle à partir de l'orientation cinétique de ses rétines par un labo indépendant qui travaille habituellement pour la police scientifique, et les conclusions de leur rapport sont formelles : ce que cette bonne Mayennaise vise avec un regard de démente totalement hypnotisée se situe plus bas, entre les jambes du Bon Mayennais, qui tout en souriant d'un air débonnaire l'arrête dans son élan en dressant l'index, l'air de dire : « Minute papillon ! Pas si vite ! D'abord il faut manger ton camembert ».
150 bons, tu penses ! Il n'a pas le temps de faire du sentiment ce Monsieur !

PS. J'aurais peut-être dû penser à faire imprimer un bon, moi aussi, sur les livres que j'ai écrits. Pas sur les ebooks, parce que c'est pas possible, ni sur le 4ème de couverture des exemplaires brochés à cause que c'est du carton, il faudrait des ciseaux solides et ça les abîmerait. Une page à la fin, avec la liste des cadeaux. Mais mes œuvres complètes se résument à deux titres. Qu'est-ce qu'on pourrait gagner avec 2 bons et demi seulement (1 bon pour La Femme cachée – 88 pages et 1 bon et demi pour La République des Roseaux – 232 pages) ? Peut-être un Bon Mayennais, en faisant la différence avec le chèque - le camembert pour la Femme (prix de vente 7€) et le coulommiers pour la République (prix de vente 14,90€). Je vais y réfléchir, c'est pas une mauvaise idée.

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