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mardi 15 juillet 2014

Dérèglements climatiques

L'oiseau de référence

Il avait fait beau, curieusement, des jours durant en Normandie. Le temps se dégradait en descendant vers le Centre. D'abord la pluie, fine mais constante, pendant des heures, puis l'orage, très vite violent, qui tambourine sur le pare-brise. Ça avait commencé comme ça en 2005, et pas très loin d'ici, à Vierzon. On était aussi en été. Des grêlons gros comme des œufs de pigeon, on a dit ! J'avais laissé un guéridon en verre sur la terrasse ; j'ai ouvert la baie vitrée pour aller le rechercher mais j'ai vite renoncé, ça fait mal un œuf de pigeon ! (J'ai refermé la baie vitrée en me demandant avec angoisse ce que j'aurais fait si ç’avait été mon propre enfant qui se trouvait là dehors...)


Il pleuvait de plus en plus fort mais toujours pas de glaçons. N'empêche que ça m'aurait pas déplu d'apercevoir un pont. On est à l'abri sous un pont. Sauf si le pont s'écroule évidemment. Parce que la sécurité absolue, il faut bien comprendre que ça n'existe pas, tout est une question d'échelle. Ce qui compte c'est l'oiseau de référence. Un œuf de pigeon ramier a grosso modo la taille d'une balle de ping-pong et pèse environ 20 grammes. Si on analyse ces données au vu de la distance parcourue, la fragilité relative de la boîte crânienne, et l'augmentation prévisible de ce genre de phénomène à cause du dérèglement climatique, on peut déjà se demander s'il ne faudrait pas rendre obligatoire dès aujourd'hui le port du casque par temps d'orage.

Et le pire est à venir, car le pigeon pourrait fort bien cesser d'être l'oiseau de référence. Qu'arrivera-t-il alors si ça s'aggrave, sachant que la poule rousse, la pondeuse la plus commune de nos basses-cours, commet des œufs presque trois fois plus gros que ceux du ramier, d'un poids moyen tournant autour de 60 grammes ? Le canard c'est 80 grammes. Les oies lui passent devant avec des œufs pouvant atteindre jusqu'à 180 grammes dans le cas de l'Oie blanche du Poitou, autrefois prisée pour son duvet qui faisait d'excellents édredons et dont l'espèce est à présent menacée de disparition, notamment à cause du fait qu'elle ne pond pas plus de 8 œufs par an (ce qui pourrait être jugé rassurant si la météo qui tendrait à l'imiter dans ses œuvres pouvait appliquer, toujours à son exemple, le même principe de parcimonie).

Mais oies et canards ne sont rien encore. Si le scénario catastrophe se précise il faut se préparer à voir tomber des grêlons semblables aux œufs des plus grands volatiles de la planète, ceux qui ne volent pas, mais qui courent comme s'ils avaient le Diable aux trousses ! Le nandou latino-américain qui produit des œufs jaunes au format et au poids fort voisins des œufs vert foncé de l'émeu australien, soit environ 13 centimètres de haut et 9 centimètres de diamètre au plus large, pour un poids variant entre 600 et 900 grammes. Oiseaux coiffés l'un et l'autre sur le poteau par l'autruche, autre habitante ailée du continent océanien dont les chers petits viennent au monde en faisant exploser de l'intérieur des œufs encore plus gros et plus durs, d'un poids avoisinant les 2 kilos ! Des vraies bombes ! Au minimum la force d'impact de ces caillasses brûlantes, en forme de ballons de rugby, que recrache le Stromboli, avec cette différence que les œufs d'autruche glacés viendraient de plus haut.

Là c'est plus seulement les tuiles et les pare-brise qui n'y résisteront pas. Le pont est sûr de s'écrouler lui aussi. Il n'y aura pas de refuge, on est foutu si ça arrive !

J'ai poussé la manette des essuie-glaces sur la position où ils s'agitent avec une telle vélocité que c'est à peine si on arrive à voir à travers, et j'ai continué. Je n'étais plus très loin de chez moi, autant tenter ma chance.




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