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lundi 19 mai 2014

Culture de chiottes

WC-bibliothèque


Depuis combien de temps sévit cette mode singulière qui consiste à tapisser de livres les murs des toilettes ? 20 ans, 30 ans ? Au Moyen-Age en tous cas c'est sûr ça n'existait pas. Il s'agit donc bel et bien d'un phénomène moderne, et urbain. La bibliothèque dans les WC, ou le WC-bibliothèque, relève en effet d'une pratique directement liée aux problèmes de logement dans les grandes agglomérations. Quand on manque de place on serre les fesses, c'est bien connu, et il se trouve que ça tombe bien dans le cas qui nous occupe parce que du coup on n'a pas besoin d'utiliser des serre-livres qui prennent l'air de rien une place énorme sur les étagères.
J'ai remarqué que les gens aimaient bien donner un thème aux livres qu'ils mettent dans leurs chiottes. Les amateurs de série noire sont nombreux. Dans une pièce aveugle ça manque un peu de luminosité, on risque de se pisser sur les pieds, mais quelle belle synergie du point de vue physiologique quand on est constipé et que jusqu'à la dernière ligne l'auteur nous tient en haleine. C'est dur, on souffre, mais quand il lâche enfin le nom du coupable : Ahhhhh ! quel soulagement !
Apparemment l'ouverture d'esprit qui favorise l'acquisition des nourritures spirituelles s'accommode fort bien de l'autre, la rectale, qui permet d'éliminer les nourritures terrestres. Penser en chiant est un sport complet, à la fois physique et intellectuel. Très Grec de l'époque classique si vous voyez ce que je veux dire.
Il faudrait définir le degré de dilatation idoine du sphincter pour une lecture optimisée, genre par genre : diarrhée verbale, humour pète-sec, etc. D'une façon générale, et pour des raisons évidentes, le WC-bibliothèque doit toujours privilégier la littérature chiante. Les Sermons de Bossuet, l'ouvre complète de Fénelon, les Essais de Montaigne, la somme de Saint Thomas d'Aquin... la liste est longue. Parlez-en à votre bouquiniste habituel. Pour un prix très abordable ce dernier vous proposera peut-être des reliures du XVIII° siècle, en veau ou basane marron (le ton sur ton, on fait pas mieux), résistantes et très performantes en termes d'isolation phonique (pensez aux voisins).
Ah ! Ne pas oublier d'ajouter quelques BD grand format tirées de préférence sur un papier de faible grammage (plus fin, plus doux) pour le jour (qui arrive tôt ou tard) où vous vous apercevrez qu'il n'y a plus de P.Q.
ALORS ? POUR OU CONTRE LES LIVRES AUX CHIOTTES ?
Hé bien ça se discute. D'un côté c'est vrai que c'est un endroit où on s'emmerde et que la poésie ça fait toujours plaisir par où ça passe. Sur le plan de l'hygiène, en revanche, c'est une autre histoire. Pour quelqu'un comme moi par exemple, qui s'interdit absolument de toucher aux quarts de tranches de saucisson, demi-olives, débris de pâté, éclats de chocolat et autres miettes que les commerçants n'hésitent jamais à vous glisser sous le nez pour une dégustation gratuite - Depuis quand ? Depuis qu'une étude, réalisée il y a déjà plusieurs années déjà, a permis de mesurer les quantités de salive, de sperme, d'excréments et d'urine prélevées sur les cacahuètes qui traînent sur le zinc des bistrots à l'heure de l'apéritif.
Comme on dit familièrement : chacun sa merde ! Et d'ailleurs cela ne serait pas si grave si la plupart des lecteurs n'avaient pas la manie de tourner les pages après s'être humecté légèrement le gras du doigt. Mais bon, après tout, si vous aimez ça, tout ce qu'on peut dire c'est : Bon appétit !
Ah ! Ah ! Oui, mais non ! Une dernière chose. Si vous avez décidé vous aussi de transformer le petit coin de votre appartement en sanctuaire de la chose écrite, et si vous êtes un lecteur comment dire, plutôt intello, attention ! Quelques soient vos préjugés à leur égard, n'oubliez pas d'insérer dans vos rayons quelques romans à l'eau de rose, surtout si vos toilettes ne possèdent pas de fenêtre ni aucun système de ventilation style VMC.
Sur ce Salut et bonne lecture.


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