Une étrangère qu'on connaît bien...
Samedi
19 avril. Le matin ou l'après-midi, je ne me souviens plus. Elle
était devant moi, je lui présentais mes savons. Une cliente comme
les autres, et tout à coup, ou plutôt enfin, la petite impression
de blondeur et de pâleur familières a fini par faire son chemin :
cette femme ressemblait à quelqu'un... Mais oui, c'est ça !
celle qui rêvait de faire flotter les couleurs de l'UMP sur la
capitale lors des dernières élections !
Mais
je ne me dis pas : c'est elle. Je pense seulement que c'est
quelqu'un qui lui ressemble, et je l'exprime, à voix haute :
« Je ne vous dis pas que vous ressemblez à la candidate pour
la mairie de Paris, vous devez l'entendre bien assez souvent comme
ça ». Mes mots non plus elle ne paraît pas les entendre,
toute en retrait comme elle est toujours derrière les vagues
diaphanes de ses cheveux. Je finis ma phrase à l'attention de son
mari qui rigole. Je crois même qu'il m'a dit « c'est elle ».
J'ai dû penser qu'il plaisantait. La dame a eu alors un geste
nerveux pour mettre un terme aux tractations ; elle a autorisé
le Monsieur à payer et elle est partie.
Légère,
distraite et incisive ! J'aurais dû deviner que c'était
l'originale, la vraie, la politique. Mais la télé agit avec un
effet paradoxal qui rapproche et éloigne en même temps les gens
qu'elle nous habitue à voir. Dans ma tête la Kosciusko
était plus grande, mais ça n'est pas ça qui est important, c'est
le regard que j'ai porté sur cette cliente que je n'avais encore
jamais vue mais dont le physique m'a interpellé parce qu'elle
ressemblait à quelqu'un de célèbre.
C'est
peut-être sans rapport, mais ça m'a fait penser à quelque chose
que j'ai écrit dans La République des Roseaux, dans la scène qui
se passe au cours de cette nuit dans la grotte rouge où Agnès
brosse le portrait de son petit ami, tellement différent d'elle, qu'elle évoque comme s'il s'agissait d'un acteur célèbre, « un
étranger qu'on connaît bien ».
Bon,
tout le monde l'aura compris, tout ça c'était juste pour faire de la pub à un roman qui n'est même pas encore publié
(voir la page PUBLICATIONS).
Alors,
pour finir mon histoire donc, comment j'ai su que c'était bien NKM ?
Tout simplement parce que je l'ai entendu dire à la fin de la
journée par l'organisatrice de la fête des plantes où ça s'est
passé. Du coup j'étais comme les autres, je voulais en savoir plus.
Avait-elle une résidence secondaire dans le coin ? Oui.
-
Où ça ?
-
Sainte-Mère-Église.
La
ville des parachutés !
-
C'est là qu'elle aurait dû se présenter, j'ai dit, elle était
sûre de gagner !
Pour
qu'on comprenne la plaisanterie je mimais en même temps le pauvre
Américain qui est resté accroché à son parachute au clocher de
l'église, mais ça n'a fait rire personne. Cet homme, John Steele, a
eu plus de chance que ses copains qui tombaient au milieu des maisons
en flammes. Les Allemands ne l'ont pas canardé pendant qu'il
pendouillait au bout de ses ficelles. Ils l'ont soigné et il s'est
évadé, pour combattre encore, avant de finir par rentrer au pays où
il est mort le 16 mai 1969. Cancer de la gorge. Dommage. S'il avait
tenu le coup deux mois de plus il aurait pu voir l'un de ses
compatriotes marcher sur la lune.
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